Compte Rendu – Séminaire VILCO du 10 novembre 2023
Présents
Matin : François Otchakovsky-Laurens, Nathalie Molina, David Ollivier, Elisabeth Sauze, Christophe Vaschalde, Nicolas Vidoni, Thomas Navarro, Hélène Garcia, Françoise Paone, Bernard Sillano
Après-midi : François Otchakovsky-Laurens, Nathalie Molina, David Ollivier, Elisabeth Sauze, Christophe Vaschalde, Nicolas Vidoni, Hélène Garcia, Françoise Paone, Bernard Sillano, Anne Mailloux, Paul François, Tatiana André, Florentin Briffaz, Marie-Emeline Sterlin.
Excusés : Sandrine Claude, Vincent Buccio, Maxime Dadure et Fabien Blanc-Garidel
Séance du matin
- Introduction et discussion collective : les communs, définitions et enjeux
Le constat partagé par les initiateurs de ce programme est le suivant : concernant la ville (comme dans d’autres domaines), les pratiques et perspectives de recherches sont trop compartimentées entres grandes spécialités scientifiques (des domaines religieux, architectural, politique, économique, social, archéologie du bâti, préventive, funéraire, etc.) qui se côtoient sans suffisamment échanger ou travailler ensemble. Le LA3M, réunissant archéologues, historiens de l’art et historiens, pourrait être le lieu d’un tel échange entre chercheurs.
Or la ville, en tant qu’entité sociale, est le lieu du regroupement permanent d’habitations et de pratiques, suscitant une société dans son ensemble, ce que les géographes nomment la « co-présence »[1]. Ainsi le fait urbain existe et fonctionne comme une unité, sans que n’apparaissent toujours les cloisonnements auxquels les chercheurs sont habitués : laïcs, clercs, marchands, artisans, manouvriers, officiers publics, élus et sergents, tous les différents usagers de la ville fréquentent les mêmes lieux et y interagissent. Ils partagent des besoins divers, ponctuels ou durables qui s’inscrivent dans l’espace urbain (salubrité des espaces publics, fourniture en eau, sécurité des approvisionnements commerciaux, protection militaire, ouverture et fermeture des accès à la ville). Ces usages et nécessités communes prennent place dans des lieux, des espaces, ils se matérialisent dans des réalisations prises en charge par des collectifs d’habitants plus ou moins larges et plus ou moins institutionnalisés. Ces lieux et réalisations peuvent, ensemble, être qualifiés de communs.
À ce titre, les villages, en tant qu’agglomérations d’habitants formant communauté, méritent eux aussi l’examen, comme laboratoires à petite échelle de phénomènes à comparer à ceux observables en ville – ils sont peut-être d’autant plus aisément identifiables qu’ils prennent place dans des espaces et des sociétés de taille plus restreinte. Ainsi les communs villageois ne sont pas nécessairement de nature très différente des communs urbains ; la question mérite en tout cas d’être posée. L’exemple de la gestion des lices, remparts et château de Peynier apporte un exemple fouillé et bien documenté par les textes qui peut servir de référence (Ch. Vaschalde).
À terme, la question des communs ouvre sur la définition des sociétés urbaines, et sur la façon dont se constitue une société politique.
L’objectif est à présent d’identifier les éléments concrets d’étude que nous pourrions qualifier de « communs ».
Type de communs (propositions issues de la discussion, sans classement par ordre d’importance) :
- Les communs « de facto », liés à la « coprésence » pour reprendre le concept des géographes : espaces de passage et de circulation (places, rues), salubrité de ceux-ci, etc.
- Les aménagements (concertés ou non) de la morphologie urbaine : tracé des voies, des places, délimitation de l’emprise du bâti.
- Les équipements du bien commun : ponts, remparts et fortifications, ports, adductions d’eau, hôpitaux, cimetières… (question subsidiaire : dans quelle mesure les bâtiments religieux ou du moins certains d’entre eux ressortissent-ils au commun ?)
- La ressource et sa gestion, la réglementation de sa répartition, sa préservation (terres gastes, anthracologie et maintien d’un couvert végétal, en lien avec les défens ; ressources minières ; ressource en eau) => cela nécessite de s’ouvrir, au moins en partie, au terroir. L’exemple de Marignane présenté par Ch. Vaschalde montre un couvert végétal et forestier qui se développe aux XIe et XIIe siècles en même temps que le village, ce qui implique une mise en défens et d’un règlement forestier seigneurial ou communautaire. E. Sauze mentionne les défens communaux, seigneuriaux voire privés plus limités ou temporaires.
Mise en œuvre des réalisations :
- on observe souvent pour commencerune prise en charge ponctuelle du commun, mettant en jeu une implication et une initiative individuelle, ou par des collectifs limités (le voisinage)
- conduisant ensuite à une prise en charge et à une mise en œuvre de plus grande ampleur par les autorités ;
- faut-il en conclure une tendance diachronique à l’amélioration ? Les processus ne sont pas toujours linéaires, ni l’évolution forcément « positive » (dans le sens de la meilleure prise en charge des besoins, du « bien commun »)
- Il existe à l’inverse des cas de créations concertées et centralisées (lotissements et quartier neufs par exemple) dont on pourra analyser au cas par cas le processus de mise en place avec sa part d’initiative individuelle.
Litiges et tensions entre pouvoirs :
- la question de la prise en charge publique pose souvent celle du monopole disputé sur les communs (ainsi le pouvoir seigneurial s’exerce sur les « régales » : les défenses, systèmes de fortification, les grandes voies d’accès à l’agglomération et les grandes rues à l’intérieur de celle-ci).
- Il peut y avoir plusieurs niveaux de communautés : exemple les rues qui sont des régales qui appartiennent au roi (voies d’accès essentielles) et celles qui appartiennent à d’autres niveaux de communauté ou de collectif institué ou privé comme les riverains par exemple (rues transversales).
- Et la question des communs organisés différemment voire qui s’opposent dans une même ville (cimetières, hôpitaux…).
Quelques exemples locaux et cas concrets évoqués :
- Fréjus (H. Garcia) : les terrains étudiés permettent d’envisager une vision diachronique Moyen Âge-époque moderne. La question des caves sous rue illustre celle des empiétements sur le commun. Fréjus permet également de poser la question de l’espace « vide » préservé pour accueillir une foire annuelle importante (espace non identifié avec certitude à ce jour, mais hypothèse en cours de réflexion).
- Marseille (Fr. Paone, B. Sillano) : la vision diachronique est également possible, au moyen des résultats des fouilles préventives sédimentaires et plus ponctuellement de l’archéologie du bâti. Les grandes campagnes de fouilles ont documenté la morphologie urbaine. Philippe Rigaud, Colette Castrucci et Marc Bouiron ont mené des études des archives conjointement aux fouilles[2]. Du côté du bâti médiéval, la Vieille Major a été étudiée, mais on est un peu sur les bords du sujet des communs. Le service archéologique de la ville n’est pas très actif pour l’instant (Xavier Corré, Manuel Moliner, Anne-Marie d’Ovidio. Il travaille plutôt sous la direction du Musée d’histoire de la ville.
- Les sols de terre battue sur des lieux de circulation (rues, places) indiquent déjà un certain savoir-faire, susceptible d’évoluer, dans certains cas, vers une rue aménagée (dallée, pavée). Mais pour le comprendre, il est essentiel de faire le lien entre le privé, l’échelle individuelle, « micro », et le public.
- Sur la question de l’eau à Marseille, les puits se répartissent dans des cours, ou mitoyens entre deux maisons, rarement sur les voies publiques. Les citernes ont disparu, mais on peut en trouver trace dans les cadastres. De même pour les fontaines.
- Outils de travail envisagés
- Ne pas hésiter à solliciter les historiens pour les archives (E. Sauze propose d’enseigner l’exploitation des cadastres, du registre au plan, par une séance de méthodologie, qui offrirait un « kit de survie en archives communales »).
- Un outil existe pour les compoix à Toulouse (Florent Hautefeuille et Mélanie Le Couédic), des études spécifiques ont été menées sur les compoix à Montpellier (Lucie Laumonnier ; Franck Perdrizet (†) a numérisé les compoix et initié une méthode de SIG, nommée DELTA, dont il rend compte dans Bulletin historique de la ville de Montpellier 2016, n° 38, géomatique[3])
- SIG (système d’information géographique ; à la MMSH des collègues y travaillent, comme Mathieu Coulon géomaticien, Paul François au LA3M, au bâtiment C un personnel dédié)
- Alimenter une bibliographie sur la plate-forme Zotero
- Liste de diffusion (l’augmenter après prise de contact personnelle)
- Établir un Lexique commun
- Carnet Hypothèses (blog de recherches qui annoncerait les manifestations VILCO, tiendrait une veille scientifique de nos activités et des activités extérieures en rapport avec notre champ de recherches ; il pourrait contenir un lien vers la bibliographie Zotero ; contiendrait également le lexique ; ainsi qu’un centre de ressources inventoriant les dossiers historiques ou archéologiques disponibles pour des recherches, à destination d’étudiants de Master, de doctorat, ou autres chercheurs).
- Plan de travail
- 2 séminaires/journée par an dans le cadre des séminaires de recherche du LA3M.
Les prochains pourraient être organisés en avril ou en juin puis à l’automne 2024 (à confirmer)
Parmi les thèmes possibles de ces journées de séminaire, les idées suivantes ont émergé :
- La méthodologie
- Les passages privé <-> public, les relations entre intérêts privés (même collectifs type corps de métiers ou non institués comme voisinage) et intérêts publics ;
- la ou les ressources
- la toponymie ancienne, ses évolutions, les besoins de repérage dans l’espace urbain, pour mener à l’idée de faire communauté, l’élaboration d’une conscience commune
- l’opposé du commun : faire bande à part dans la ville, les villes séparées (métiers, villes ecclésiastiques et comtale), irrédentisme et sécessions (quartiers, voisinages ; villes hautes/basse séparées à Marseille par exemple)
Chaque fin de séance se conclurait par une discussion table-ronde de type « éditorial », de discussion en vue d’une publication thématique, en envisageant collectivement la cohérence d’ensemble d’un futur dossier de revue.
- ½ journée juin-juillet 2024 insérée dans le colloque du pré-projet GOVITEC (voir infra)
- 1 ou 2 sessions lors de l’école doctorale « politisations urbaines et rurales » (titre provisoire) en préparation pour les 8-9 novembre prochain (dans le cadre du projet CNRS initié par Chris Fletcher, IRHiS Lille, école doctorale qui serait conjointement accueillie par le LA3M et Telemme)
- 2 dossiers de publication issus des séminaires (dossiers prêts fin 2025 – Fin 2027)
- 1 colloque conclusif (2028)
- Identité du projet (visuels des manifestations, blog etc.)
L’image figurant sur l’invitation au séminaire du 10 novembre (la construction des fortifications de Marseille) conviendrait très bien ; il reste à vérifier la disponibilité de l’image (appartient à la British Library)
- Perspectives de collaboration à d’autres groupes de chercheurs
- ANR GOVITEC (Gouverner la ville en temps de crise) pluridisciplinaire porté par Nicolas Vidoni (Telemme) sur 3 ans Santé/Communs/Justice ; la 1e candidature sera déposée lors de la session de mars 2024 (voir supra)
- Chris Fletcher : travaille depuis plusieurs années sur la Politisation, avec notamment des chercheurs britanniques ; plusieurs rencontres ont eu lieu, une publication est en préparation. Pour Novembre 2024 est prévu un atelier « urban/rural politicization » à Aix, qui prendra peut-être la forme d’une école doctorale d’automne (voir supra).
- À Strasbourg s’est tenu sur plusieurs séances un séminaire sur les Allmendbücher de Strasbourg, qui sont des registres d’empiètements sur l’espace commun de la ville (Allmende) ; il était animé par Jean-Jacques Schwien (archéologue) et Olivier Richard (historien, aujourd’hui professeur à Fribourg en Suisse) ; Olivier Richard et Laurence Buchholzer ont manifesté leur intérêt pour VILCO et leur envie d’échanger à ce sujet.
- D’autres pistes émergent, avec des collègues qui n’ont pu venir le 10/11 mais ont également manifesté leur intérêt et participeront certainement à l’avenir, notamment Nicolas Minvielle (la ressource minière et les communautés : exemples du Minier + une commune sarde), Cléo Rager (Troyes), Alexandre Vernin & Alexei Laurent (Baronnies), Vincent Buccio (04), Fabien Blanc (Grasse et métropole de Nice), Nathalie Nicolas (Grasse).
- Parmi les pistes de personnes à contacter : Sébastien Ziegler (service départemental Var), Pierre Vey (Marseille) Germain Butaud (Toulon et Vaucluse) ; Marta Gravella, ERC DEMALPS, démocratie dans les communautés politiques montagnardes, communauté des escartons. ( ?) ; CIHAM JL Gaulin sur les foires à l’échelle européenne, programme COMOR, Beaucaire, polarisation des espaces urbains ; Simon Rozanès, rattaché au CIHAM, travaille sur les communautés politiques du Bas-Rhône. Liste non exclusive…
Séance de l’après-midi
Crises et rapports de forces, quels effets sur la ville ?
(Nicolas Vidoni, AMU, Telemme)
Historien moderniste, Nicolas Vidoni entreprend d’étudier les épisodes de dysfonctionnement des gouvernements urbains, lorsque des problèmes nouveaux et importants obligent les gouvernements urbains à se reconfigurer. L’approche se veut aussi matérielle et pratique que possible, ce qui fait écho au programme VILCO. Elle cible le sud de la France, l’Italie et l’Espagne pour toutes les périodes.
Il s’agit d’identifier et de décrire les problèmes spécifiques aux périodes de crises, de comprendre la nature de la conflictualité engendrés par ces problèmes, qui nourrissent des réponses politiques ou une politisation.
Le projet de recherche GOVITEC (« Gouverner en temps de crise ») sera déposé définitivement en mars prochain à l’ANR (Agence nationale de la recherche, source désormais principale de financement de recherche universitaire, sur projet). Nicolas Vidoni (historien moderniste) en est le porteur et coordinateur principal, dans une perspective transpériode et transdisciplinaire (co-porteurs : Hélène Ménard, antiquisante ; François Otchakovsky-Laurens, médiéviste ; Virginie Anquetin, politiste).
Axes de recherche prévus dans le cadre de GOVITEC :
- les communs (ce point concerne donc au premier chef VILCO ; François OL y est engagé)
- la santé
- la justice et ses contestations
Sur le second axe, les léproseries seront étudiées à l’échelle de la région provençale. . Il est fait référence à un PCR de Yann Ardagna (du laboratoire d’anthropologie biologique Hadès) sur les léproseries à l’échelle de la région provençale. Une étude portera sur la comparaison entre l’impact des pestes médiévales et celui des maladies vénériennes. Une autre approche concernera les cérémonies de mise en protection de la ville dans l’Espagne des années 1960 et 1970.
Les apports de l’archéologie pourraient être considérables, avec la transformation des villes, leur possible dépeuplement (ou abandon de quartiers, de villages), la gestion des cimetières en temps de crises sanitaires ou frumentaires, les espaces communs de défense (destruction des citadelles en 1789, durant la Grande peur et à l’imitation de la Bastille), les mesures militaires de destruction des faubourgs (XIVe s., destruction des faubourgs de Marseille : que fait-on des matériaux ? a priori l’urgence n’était pas telle qu’il aurait fallu les incendier ; probable démontage préventif et réutilisation pour reconstruction) ; partout, aux abords des murs, espaces de non ædificandi (souvent oubliés : le respect des interdictions, ou leur renouvellement, marque sans doute la présence d’une crise, du moins de la conscience d’une période de périls)
Ainsi se pose la question de l’urgence, qui dans certains cas est diligentée par les responsables politiques (la destruction des faubourgs de Marseille en 1357-1358), alors que la population ne partage pas ce sentiment de peur, et doit être pressée pour évacuer.
E. Sauze : Milieu XVIe s., on arrête de construire des murailles. Sauf dans les villes de frontières ou ports stratégiques comme St-Tropez ou Toulon remilitarisées par Vauban notamment. On maintient la clôture, qui est plus ou moins entretenue ; en cas de danger elle doit être remise en état, ainsi que les portes auxquelles sont établis des postes de contrôle.
, sont évoqués les cas de la destruction et démantèlement des citadelles ou bastilles en 1789, de Roquemartine (A. Mailloux) ou encore du château de Toulon à la fin du Moyen Âge (N. Molina). Les forteresses représentent un danger, elles sont donc rendues inoffensives avant même les guerres de religion.
L’eau en ville, une question commune
(François Otchakovsky-Laurens)
Proportion des « communs » dans les registres de délibérations : 4%. Or bien davantage si l’on choisit comme approche l’angle de l’eau : les délibérations traitant de l’acheminement, de la distribution, de la qualité de l’eau et de son usage, puis de son évacuation, semblent alors un « flot » ininterrompu dans les préoccupation du conseil de ville.
Mes réflexions s’appuient sur les résultats de grandes campagnes de fouilles des années 1990-2000, ainsi que des publications de synthèse 2001 et 2011 (sous la direction notamment de Marc Bouiron, et ici présents Françoise Paone, Bernard Sillano).
Une analyse des archives a été effectuée au XXe s. par Amargier, souvent très riche mais malheureusement sans toujours indiquer précisément ses sources.
Étude de cas : comment se discute une édification d’abreuvoir, à l’occasion de la cérémonie de translation des reliques de Saint Louis d’Anjou à Marseille (1318). L’effort de construction de points d’eau publics est très important, en particulier pour l’abreuvoir capable de servir aux nombreux visiteurs de marque et à leurs équipages. Les prélèvements fiscaux furent considérables, plusieurs centaines de livres, et donnèrent lieu à d’âpres discussions et à des ordonnances récurrentes du conseil. Une fois achevé, l’abreuvoir nouveau est l’objet de litiges, autour de l’usage qui en est fait (mention de comportements « scandaleux », possiblement de prostitution, et de lessives, peut-être en rapport avec les métiers du drap).
Ainsi, en tant que commun, l’eau et ses équipements mènent au politique.
Discussion :
Exemple de Grimaud dans le Var (E. Sauze) : petite ville de 1500-2000 habitants, percée. Le problème de l’eau est important. Durant la 2de moitié du XVe s. et la 1e moitié du XVIe, plusieurs seigneurs de dynasties d’origine italienne entreprennent d’amener de l’eau au village à partir d’un syphon et au moyen d’un aqueduc. Aujourd’hui subsiste le « Pont des Fées », support de l’aqueduc. Il n’a sans doute jamais fonctionné, du fait d’une pression insuffisante. Grimaud n’a sans doute dû se contenter d’un puits (le « Cacharel »), et des citernes (ce qui limita certainement son développement).
À Hyères (D. Olivier) on ne connaît pas d’ouvrage particulier, l’approvisionnement est naturel, grâce au site schisteux, la plupart des maisons étaient équipées de puits-citernes. De ce fait, la ville n’avait que peu de fontaines. Mais il existait un système de canalisations, pour faire fonctionner des moulins intra muros ; le canal (béal Jean Natte, long de 9,5 km) est une grande entreprise de la 2e partie du XVe s. conçue pour alimenter ces moulin. Il existait aussi un aqueduc alimentant des viviers en eau de mer et en eau douce.
E. Sauze : il est normal que les moulins, d’usage quotidien, soient à proximité immédiate de la population (FOL : même à Marseille, qui disposait pourtant de moulins à vents bien connus sur l’actuelle place du même nom, mais au fonctionnement trop aléatoire). On conservait du grain, mais pas de la farine, qui se perd.
À Toulon (N. Molina), les moulins à blé se trouvent effectivement dans la ville, ils sont documentés par les textes dès le milieu du XIVe s. et fonctionnent tout au long du XVe s., alimentés par un béal public, à deux niveaux à l’époque moderne (eau pour la consommation ; eau des moulins et de l’arrosage).
Il y aurait également des choses à ce sujet à Brignoles (A. Mailloux).
Françoise Paone : recouper ou localiser les endroits
Espaces publics, espaces privés, empiètements en ville
(David Ollivier)
Présentation d’une vue du XVIIe s., un plan qui indique l’emplacement du canal qui alimentait les moulins. On y observe a ville perchée s’est « déperchée » dès le 13e s. => phénomène de double enceinte. La 2e muraille rassemble les points de fixation de l’habitat, englobe le couvent des Franciscains contre leur gré (ils ne voulaient pas payer pour elle).
Intérêt de l’étude du cadastre napoléonien, pour la topographie, mais aussi pour les enceintes dont le tracé est conservé. On y voit des annexions de l’espace privé, ou à l’inverse des espaces publics.
Fouille des caves : permet de retrouver une rue, ou ruelle-impasse dans laquelle se trouve un puits collectif souterrain. L’espace de circulation est collectif, pas forcément public, mais commun. Puis on décide de fermer l’espace (idem Nyons, place des Arcades XVIIe s.).
Empiètements sur l’espace public sans l’entraver : voûte, arcade, crote (cf. Porte St-Jacques Nyons), éléments de privatisation.
Autre éléments de privatisation, les enceintes : 1e enceinte urbaine, porte Massillon.
Elisabeth Sauze : l’aliénation des enceintes permet de s’épargner leur entretien et de se financer. Souvent confiées à la petite noblesse locale (porte St-Paul, porte Barruc). Confirmé à Toulon, les portes gardent les noms des grandes familles. On peut se poser la question d’un co-financement seigneurial/privé, car la porte Barruc semble avoir été conçue d’origine comme habitée dans ses étages supérieurs.
Puis viennent des demandes privées de fermeture des portiques qui servaient de circulation.
Les mentions textuelles les plus anciennes sur ces phénomènes remontent au début du XVIe s. ; il y eut peut-être période d’amplification.
Marseille : des tours appartenant à des particuliers, ou à l’évêque, mais elles sont récupérées en cas de péril, comme en 1383, mise en défense de la ville (conflit avec la ligue de l’Union d’Aix)[4].
Cf. Enquête du chevalier de Mazan XVIe s. sur cette question d’empiètement de l’habitat privé sur ces ouvrages de défense ; il conclut que ces empiètements sont trop nombreux dans certaines villes (pour que l’on puisse y faire quelque chose contre les empiètements).
Question des vestiges romains qui sont lotis de façon sauvage, cf. Nîmes. Fréjus aussi, mais comment cela s’est fait, abandon entre Ve et Xe s. ? Aix, privatisation du théâtre dès le début du haut Moyen Âge.
Étudier la structuration de la ville, au travers du parcellaire et du bâti
(Nathalie Molina)
Différentes approches sont à combiner pour étudier la structuration de la ville, au travers du parcellaire et du bâti. L’idée étant d’identifier le pensé et l’impensé dans la formation de la structure de la ville.
Objets d’étude :
- Voies, parcelles, bâti : on a là l’assise de la matérialité fondamentale de la ville (proposition de définition de la ville par opposition à l’habitat des campagnes)
- Voies spontanées ou planifiées, continuité ou pas
- Parcellaire organisé ou pas, selon les époques et les lieux
- Bâti : emploi raisonné des matériaux, densification et choix de mitoyenneté
Identifier les différents intervenants possibles :
- Seigneurs et propriété éminente
- ou leurs « vassaux » ?
- Autorités communales
- Entrepreneurs éventuels
- Propriétaires
- Occupant
La durée : espaces reçus en « héritage » à gérer
À partir de quelle documentation écrite ? Exemple de Perpignan qui semble assez exceptionnel (Emilie Léal et Aymat Catafau : Travail sur les lotissements construits en terre crue, problématiques politiques ou économiques très présentes et identifiées)
Biblio :
- Hélène Noizet et Anne-Sophie Clémençon, Faire Ville. Entre planifié et impensé, la fabrique ordinaire des formes urbaines, Presses universitaires de Vincennes, 2021.
Ce livre aborde la question à partir de cadastres, de plans, et à l’occasion d’archéologie.
- Émilie Léal, Claire-Anne de Chazelles, Philippe Devillers, Architecture et construction en terre crue. Approches historiques, sociologiques et économiques, Montpellier, Espérou, 2022.
Dans cet ouvrage, l’article d’Emilie Léal et Aymat Catafau fait un lien transdisciplinaire pour comprendre l’implantation de quartiers ex nihilo.
Toulon : était une toute petite ville au MA, au maximum 5 000 habitants, baisse beaucoup durant les XIVe– XVe, remonte XVIe – début XVIIe s. (un peu), puis expansion formidable au cours du XVIIe s à partir de l’installation de l’arsenal puis la fortification de Vauban.
Quelles autorités toulonnaises ? Seigneurs de Trets-Marseille XIIe– XIIe s. et l’évêque (?). Une assemblée des syndics est mentionnée en 1252. En 1260 la seigneurie est cédée au comte de Provence. En 1289 sont édictés les statuts et le règlement de police rurale. En 1314 est instauré un conseil de 12 membres avec pouvoir d’administration. En 1367, l’organisation des institutions municipales est fixée pour toute la fin du Moyen Âge.
On constate l’extension de la ville au Moyen Âge. D’abord vers le sud, avec avancée du trait de côte, dont on ne connaît pas bien les circonstances (rôle des fleuves du Las et de l’Egoutier ?). Ce secteur a été fouillé dans les années 1980 et 1990 mais les niveaux médiévaux et modernes n’ont pas été souvent identifiés, l’attention se portant sur les horizons antiques.
- Il faudrait consulter les archives du CAV (Centre archéol. du Var)
- Demander son aide à Marc Borréani aujourd’hui à la retraite qui avait pris plus particulièrement en charge l’étude médiévale de Toulon pour le CAV
Puis une extension vers l’est et l’ouest aux XVe et XVIe siècles selon des modalités différentes (plus ordonnées à l’est qu’à l’ouest). Certaines pistes ont été énoncées par P-A. Février mais peu explorées depuis. Les résultats des études archéologiques des années 2010 seront à re-contextualiser.
Il y aurait un grand intérêt également de reprendre la documentation écrite ancienne (avec l’aide d’étudiants ?). Octave Tessier au XIXe s. a travaillé sur le cadastre de 1442 qu’il a tenté de reconstituer à partir du cadastre napoléonien ; ses archives privées sont-elles conservées ?
Il manque à Toulon une étude monographique, les données seront plus pointillistes que pour les villes comme Marseille ou Aix
Les archives de Toulon sont en partie inventoriées (par Octave Tessier en 1869). Les registres de délibération conservés à partir de 1426 sont en ligne (archives municipales).
Idée : sur le blog de recherche, prévoir un centre de ressources inventoriant les dossiers historiques ou archéologiques disponibles pour des recherches (à destination d’étudiants de Master, de doctorat, ou autres chercheurs)
Il n’y a presque plus rien de visible en élévation pour les périodes médiévales. Mais malgré l’idée dominante que tout avait été détruit et reconstruit au XVIIe s., en réalité les structures médiévales internes aux habitations derrière les façades des XVIIe et XVIIIe siècles existent encore. C’est ce qu’ont montré les différentes interventions archéologiques sur le bâti, prescrites depuis 2011.
Maison de la confrérie du St-Esprit, lieu de réunion du conseil de ville au XVe siècle, qui devient un hôpital (mais pas celui des pauvres). Qui est donné aux Oratoriens pour installer leur couvent et le collège de la ville. L’emplacement est repris par le département pour les palais de justice et prison en 1828. Au centre subsiste un espace vide de construction utilisé par les cours des différents édifices malgré la densification de l’habitat dans la ville. En 2015, l’ensemble devient un Monoprix. Cet exemple correspond tout à fait aux questionnements VILCO.
Suggestions d’améliorations à apporter aux prochaines séances
Certains participants, mais non programmés comme intervenants, avaient apporté des éléments visuels à projeter et avaient des exemples concrets à développer (conformément à ce qui avait été demandé). Ils n’ont pas pu les montrer, faute de temps sans doute, mais c’est regrettable.
Il faudrait pouvoir donner une date butoir indicative pour la remise de ces éléments concrets à apporter à la discussion, afin que les organisateurs puissent les intégrer d’office à la discussion.
[1] « Géotype de substance sociétale fondé sur la coprésence » écrit Jacques Lévy comme définition introductive à sa dense notice « Ville » du Dictionnaire de la Géographie qu’il co-dirige avec Michel Lussault (Paris, Belin, 2003, p. 988-991.
[2] Marc Bouiron, Henri Tréziny et alii, Marseille. Trames et paysages urbains à Marseille de Gyptis au Roi René, Aix-en-Provence, Édisud (Études massaliètes, 7), 2001. Marc Bouiron, Françoise Paone et alii, Fouilles à Marseille : La ville médiévale et moderne, Paris, Errance, (Études massaliètes, 10), 2011.
[3] Franck Perdrizet, « DELTA : une vision sur mesure du territoire au fil du temps », Bulletin Historique,n°38, 2016, p. 22-49.
[4] Délibération du 12/1/1383 : tout pouvoir est donné aux syndics et à la commission des Six de la guerre de prendre toutes les tours situées sur les remparts et occupées par l’évêque ou autres personnes, d’ouvrir les passages fermés, de détruire la chambre secrète où se trouve l’étude de l’évêque et tout ce qui doit être détruit, et faire les réparations nécessaires pour libérer le passage près des remparts de la porte de Jean de Marseille jusqu’à la porte Gallique ou Portegalle (ancienne ville épiscopale, dite « des Tours »). Archives municipales de Marseille, BB28, fol. 240-241r. Le palais épiscopal et l’église Saint-Cannat attenante étaient construits à proximité immédiate des remparts, si ce n’est contre (cartes établies par M. Bouiron).